Pendant toute une saison, nous avons travaillé avec différents départements de l’université de Caen. Avec l’OFNEC (qui accueille des étudiants d’Europe du Nord) et avec le département de littérature nordique, nous avons travaillé au printemps à la traduction d’une pièce alors non traduite de Fredrik Brattberg.
La pièce raconte l’installation d’un jeune couple dans une petite maison d’une ville en bord de mer. On y découvre que les parents du jeune homme ont beaucoup contribué à cette installation, qu’ils sont leurs voisins tout proches. On assiste à leur envahissement de l’espace du jeune couple. Cette pièce, faite de toutes petites choses très quotidiennes, se révèle un portrait doux-amer, à l’humour souvent féroce, d’une jeunesse qui hérite d’une génération enrichie la croissance industrielle et pétrolière de l'Europe du Nord.
Il y a quelque chose des films de Tati dans cette mise en scène du bonheur matérialiste. Le même deséquilibre entre la profusion des objets et la pauvreté des mots. En peu de mots, souvent répétés, comme des motifs musicaux, par paragraphes entiers, on devine que derrière la dictature du bonheur, un cycle d'opulence se termine. Peu à peu s’installe un sentiment éprouvant : après avoir capté, sans interrogation particulière, les ressources de la planète, ces parents ont décidé de vampiriser la jeunesse de leurs enfants. Une pièce autobiographique (Fredrik habite avec sa famille au bord de la mer, tout près de ses parents) qui en dit long sur le sens de l’autodérision de cet auteur si singulier.
L’enjeu était de permettre aux apprentis traducteurs de creuser les spécificités de la traduction théâtrale. Que faire des répétitions ? Comment conserver les ambiguïtés du texte d’origine ? Comment identifier ce qu’on sacrifie des sens originels, et dont l’esprit devra être pris en charge par les moyens du jeu et de l’espace.
En décembre, nous avons joué Retours / Voyage d’hiver à la Maison de l’Etudiant.
En janvier, les étudiants du département Arts du spectacle se sont appropriés le texte traduit, et aussi, des problématiques sous-jacentes aux choix de traduction. Une semaine intensive de répétition a permis de créer ce spectacle, auquel est venu assister l’auteur, avec qui les élèves ont pu échanger sur le texte et sur leur expérience.