Ce qui tient du jamais vu, n’est pas cette scénographie minimaliste, mais du moins dans la première partie, l’économie de la déclamation claudélienne. Entendons-nous, le verbe mais sans l’emphase. Ysé n’est pas idéalisée, mais une petite-bourgeoise qui exprime très simplement la cruelle innocence de l’amour, du désir. Un beau décapage infligé à Claudel.
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Edith Rappoport, THÉÂTRE DU BLOG
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Le metteur en scène nous dit que le spectacle a été créé en Chine, histoire de suivre le bateau de Paul Claudel. On veut bien, mais ça n’a pas grande importance. On voit, on entend ici une Chine mythique, une immense Chine de perdition, où personne ne croit réellement pouvoir faire fortune, un piège de la mort acceptée. Il n’y a presque rien sur scène, un velum, quelques cantines de métal-protection contre les pourrissements tropicaux- jouant le bateau et l’exil. Ce n’est pas la première fois qu’on joue Claudel presque sans rien. Du reste, il ne réclame pas grand-chose : sa langue somptueuse, surabondante, en dit assez.
Dans cette mise en scène, ce qui tient du jamais vu, n’est pas cette scénographie minimaliste, mais du moins dans la première partie, l’économie de la déclamation claudélienne. Entendons-nous, le verbe mais sans l’emphase. Ysé n’est pas idéalisée, mais une petite-bourgeoise qui exprime très simplement la cruelle innocence de l’amour, du désir: j’aime, je n’aime pas, je pars avec celui qui me veut. « Je suis une femme », répète-t-elle. Sans justifier sa conduite : on n’est pas du côté de la morale et on ne va pas reprocher à Paul Claudel de placer la femme du côté de l’animalité, non, on entendra ce «Je suis une femme» comme la nécessité, la fatalité du désir. Et la peur de l’amour : pourquoi partir avec Amalric, quand elle porte l’enfant de Mésa ? Parce que l’amour est trop fort, trop lourd, trop grand, trop…
Un beau décapage infligé à Claudel.
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